Motuihe Island: le plan de réintroduction du Korimako (1)

Presentation generale du projet de reintroduction

L’ARC (Auckland Regional Council) et le Department of Conservation ont conjointement travaillé sur un projet de reintroduction du Méliphage carillonneur (Anthornis melanura) sur 2 îles du sud de la Baie d’Auckland : Waiheke Island et Motuihe Island.

Le Méliphage carillonneur, ou Korimako en language Maori, est un oiseau endémique de Nouvelle-Zelande, encore present sur les 2 îles principales du pays où il y est relativement commun. Il a cependant disparu du nord de l’île du nord au cours du XXe siecle (a l’exception de quelques enclaves et îles), notamment a cause de la disparition de son habitat (forêts natives) et de sa prédation par les mustélides et rats introduits lors de l’arrivée des européens. Dans la region d’Auckland, il a par exemple disparu de Waiheke Island il y a plus d’un siècle, alors que les derniers individus disparurent en 1970 justement sur l’île de Motuihe. 

Mâle de Méliphage carillonneur (Anthornis melanura)

Le Méliphage carillonneur est nectariphage : une importante proportion de son régime alimentaire est constitué par le nectar de fleurs sauvages et par des fruits. Ainsi, il joue un rôle majeur au sein des écosystemes forestiers de Nouvelle-Zelande, en tant que pollinisateur et disperseur de graines. Cette espèce a également la particularité d’avoir un chant sonore et melodieux, tres agréable a l’écoute.

Une tentative de réintroduction similaire avait été tentée a la fin des années 90 sur l’iîe de Waiheke, soldée par un échec. 2 hypothèses sont avancées pour en expliquer la cause : l’absence à cette époque sur les sites de relâchers de tout contrôle des espèces de mammifères prédateurs introduits (rats, hermines, belettes, furrets, chats), et la forte mobilité des oiseaux dont la dispersion semble avoir été à la fois rapide et importante en distance.

L’ile de Rakino, a quelques kilometres au nord de Motuihe, a été naturellement colonisée par le Meliphage carillonneur, depuis l’île « sanctuaire » de Tiritiri Matangi plus au nord. Ainsi, les proches îles de Rangitoto et  de Motutapu, dont les mammifères introduits ont été éradiqués il y a peu, devraient pouvoir être colonisées naturellement. Il en est de même, par dispersion de proche en proche, des îles de Motuihe et de Waiheke (cf. Carte).
Cependant il a été montré que la population source, celle de Tiritiri, est génétiquement pauvre, probablement a cause du phénomène « goulot de bouteille » qu’a subit la population au milieu du XXe siècle lorsque qu’une très faible superficie de forêt ne subsistait sur l’île. C’est pourquoi le projet actuel de réintroduction de Méliphage carillonneur sur les îles de Motuihe et de Waiheke prevoit de mélanger des oiseaux issus de la population de Tiritiri à des oiseaux issus de la population du Parc Régional de Tawharanui. Cette population, naturellement installée par dispersion d’oiseaux depuis l’île de Little Barrier, est génétiquement différente de celle de Tiritiri. Une amélioration de la diversité génétique de l’espèce est ainsi visée au travers de ce programme de réintroduction.
75 oiseaux ont ainsi été capturés au sein de chacune de ces 2 populations sources, avec une proportion équilibrée de mâles/femelles et d’adultes/juveniles. Ces 2 populations sources sont jugées en suffisante bonne santé (600 oiseaux, bonne productivité) pour pouvoir subir un tel prélevement d’individus sans dommage.

Le plan de réintroduction mis en oeuvre cette anne 2010 a donc vu le relâchage de 150 oiseaux sur 3 sites au sein desquels un contrôle des mammifères prédateurs introduits est mené :
- Motuihe Island (179 ha) : l’île est eradiquée de tout mammifère prédateur depuis 2005
- Whakanewha Regional Park (247 ha) sur Waiheke Island : les mammifères prédateurs sont contrôlés en continue avec les méthodes classiques de pièges et d’appâts empoisonnés
- Réserve privée de Fenwick (360 ha) sur Waiheke Island: les mammifères prédateurs sont contrôlés en continue avec les méthodes classiques de pièges et d’appâts empoisonnés

Localisation des populations sources et des sites de réintroduction

La totalité de ces oiseaux ont ete bagués et sont identifiables individuellement par leur code couleur. 38 d’entre eux ont été equipés d’un radiotransmetteur qui permettra de les localiser quotidiennement et de suivre leur dispersion après relâchage. 12 oiseaux sur les 50 relâches sur Motuihe ont été equipés, alors que 12/50 et 14/50 ont respectivement été equipés sur les 2 sites de Waiheke., Fenwick Reserve et Whakanewha RP.

Korimako bagué couleur (lire Rouge-Vert/Violet-métal) et équipé d'un radioémetteur (fil dépassant de la queue)

Au sein de chacun des sites de réintroduction sont diposées des mangeoires fournissant eau sucrée et fruits. Il s’agit par là de retenir un maximum d’oiseaux sur les sites de relâchers, même si chacun de ces sites sont censés pouvoir fournir suffisament de ressource alimentaire par la flore naturellement presente. Noter que les oiseaux issus de la population de Tiritiri sont habitués a l’utilisation de ces mangeoires artificielles, ce qui facilitera l’adaptation des oiseaux de Tawharanui a  l’utilisation de ces mangeoires.

Forêt native mature proposant un habitat favorable au Méliphage carillonneur

Mangeoire avec bouteille d'eau sucrée et fruits

Korimako décollant après utilisation de la mangeoire

 Femelle exploitant le nectar de fleurs de Kohekohe, trouvées en quantité sur Motuihe

Le projet de réintroduction de cette espèce dans la region d’Auckland repond donc aux objectifs suivants :
- restaurer une population viable d’un oiseau endémique éteint locallement, au sein d’une région qui l’accuellait originellement et jusqu’il y a environ 40 ans:
- restaurer un composant majeur de la fonctionnalité des écosystemes boisés de la region d’Auckland et du Golfe d’Hauraki
- utiliser une espèce emblématique dont la popularité est un atout indeniable quant à la sensibilisation du grand public aux enjeux de conservation de la biodiversité

- experimenter differentes méthodes/conditions de réintroduction : site completement éradiqués de leurs mammifères prédateurs, sites au sein desquels seul un contrôle de ces mammifères est effectué, diffusion d’enregistrement du chant du Méliphage carillonneur sur un des sites pour en tester l’efficacité de rétention des oiseaux relâchés...
- suivre finement la dispersion des oiseaux après relâcher grâce a la télémetrie et aux marquage couleur des oiseaux

La réintroduction du Méliphage carillonneur sur un Motuihe constitue la premiere tentative pour cette espèce sur un site complètement debarassé des mammifères prédateurs ! Il s’agit egalement du plus important projet de réintroduction, toutes espèces confondues, jamais realisé en Nouvelle-Zelande en terme de nombre d’individus capturés et relâchés !